Objectif13 : À quoi renoncerons-nous ?, synthèse de l'atelier proposé aux Bis de Nantes 2023

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À QUOI RENONCERONS-NOUS ? Compte rendu de l'atelier organisé le 1 1 janvier aux BIS 2023 à Nantes


Atelier organisé le 1 1 janvier 2023 par les agences de La Collaborative aux BIS de Nantes. Animé par Cyril Delfosse (Le bureau des acclimatations) et Charlotte Rotureau (Evvi). Atelier organisé dans le cadre du projet de recherche-action Objectif 1 3 qui vise à proposer un diagnostic, un outillage et des solutions collectives pour faire face à l’e njeu de la décarbonation dans la filière du spectacle vivant.

Le projet Objectif 1 3 est cofinancé par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail et l’e nsemble des agences régionales de La Collaborative.


Cet atelier dédié à la question du renoncement se construit à la jonction de deux discours : • Des paroles récoltées lors de rencontres avec des équipes artistiques et des opérateurs culturels au printemps 2022 faisant part d’un manque de temps généralisé pour mener à bien les projets, plus encore les projets de transition écologique dans leur structure. Qu’il s’agisse de la production ou de la diffusion, le rythme de travail est soutenu. Il faut faire plus, plus vite, avec plus de monde, plus de partenaires… Cette situation, renforcée par le contexte de reprise post-Covid, peut créer des tensions, des situations de mal-être, d’é puisement ou de burn-out au sein des équipes. Cette accélération est paradoxalement synonyme d’immobilisme : « faute de temps, on fait comme on a toujours fait ». Des pratiques non vertueuses sur le plan social, économique ou environnemental sont ainsi reconduites, faute d’avoir le temps de penser et construire des alternatives. • Des recommandations de sobriété émanant de tous·tes les acteur·rice·s engagé·e·s en faveur de la transformation écologique de notre modèle de société. Discours scientifique émanant du GIEC, discours politique émanant de la Présidence, discours institutionnel de l’ADEME, discours de la société civile autour de Négawatt ou du Shift Project pour ne citer qu’e ux. Tous s’e ntendent – dans les choix des mots en tout cas – sur le fait que la sobriété est une nécessité pour faire face aux enjeux écologiques actuels. Nos modes de vie doivent devenir plus sobres pour réduire leurs impacts sur le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la pénurie des matières premières et des énergies… Il s’agit de faire moins, de ralentir, de redimensionner, de relocaliser… de renoncer à présumer l’« infinitude » du monde. Dès lors, comment faire le lien entre ces situations professionnelles individuelles qui éprouvent la surchauffe du secteur culturel et la responsabilité collective de faire émerger une société plus sobre et moins oppressante ? Comment faire advenir ce qui est souhaitable ? Que voudrait dire « renoncer » dans le spectacle vivant ?

Cet atelier s’e st déroulé en 3 temps, autour de 3 questions sur lesquelles l’e nsemble des participants ont été sollicités selon la méthode d'animation. Près de 1 00 personnes, réunies en quinze groupes, y ont pris part.


EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT, QUE POURRAIT-ON FAIRE MOINS ? Le premier point sur lequel une grande partie des participant·e·s semble se mettre d’accord : il faut réduire le volume et le rythme de production. Les termes de surproduction, de suractivité, de réduction du nombre de titres ou du nombre de projets sont cités à plusieurs reprises. En cohérence avec ce point, certains groupes proposent des sujets plus précis : moins de dates isolées, moins de déplacements, réduction des échelles… Tous ces éléments ouvrent des questionnements sur les modalités de production et de diffusion du spectacle vivant. Le second point interroge les modalités d’accompagnement public au secteur. Selon une partie des participant·e·s, il faudrait moins de charges administratives, moins d’appels à projets, moins de conditionnalité des aides, moins de procédures.


QUE GAGNERAIT-ON À FAIRE MOINS ? Volontairement orientée sur une approche positive du ralentissement, la question a ouvert des échanges sur des sujets variés : • Le ralentissement permettrait une meilleure articulation des projets culturels aux enjeux écologiques. On parle alors de sobriété des pratiques, mais aussi de « care », de prendre soin de soi, des autres, de la Terre. • Le ralentissement faciliterait la coopération et la coconstruction des projets culturels et artistiques. La transversalité, la mutualisation et le partenariat avec d’autres secteurs d’activité sont souhaités et rendus possibles lorsqu’o n dispose de temps pour créer et faire vivre des espaces d’é changes et de collaboration. • Le ralentissement participerait à la qualité des projets culturels et artistiques. Il permettrait une plus grande créativité, mais aussi un meilleur accueil des équipes artistiques et des publics, plus de temps pour la rencontre, pour la médiation. Faire mieux les missions essentielles du secteur culturel. • Le ralentissement offrirait une meilleure qualité de vie, plus de confort, de sérénité, de sécurité, de santé au travail. Il ne s’agit pas seulement de faire mieux, mais d’ê tre mieux. Il ne faut pas nécessairement chercher à remplir, combler, occuper le temps gagné. Globalement, en évoquant les biens-faits de ralentissement dans le domaine du spectacle vivant, les participant·e·s insistent sur le sens de leurs missions, sur la capacité d’attention et d’o uverture à l’autre, sur la qualité relationnelle… bref, ils·elles rappellent qu’avoir du temps est nécessaire pour faire culture commune.


DE QUOI AURIONS-NOUS BESOIN POUR FAIRE MOINS ? À une échelle individuelle, pour réussir à faire moins, il faudrait acquérir et mettre en pratique des compétences et des savoir-être : accepter que les projets ne soient pas exactement comme attendus, savoir dire non, se faire confiance, avoir confiance… Renoncer commence par un travail de soi à soi. Dans le cadre de l’o rganisation de travail, il est question de renouveler les modes de gouvernance. Penser des modèles plus participatifs et collaboratifs, engager une plus grande délégation, un partage de responsabilités, une coresponsabilité au sein de l’e ntreprise… semble, pour les participant·e·s, des étapes nécessaires à la mise en place de pratiques plus vertueuses. Le ralentissement du secteur devrait se planifier à partir de démarches concertées. Selon les sujets à traiter, il s’agira de trouver la bonne échelle (regroupement d’acteur·rice·s, territoire, filière…), et déterminer collectivement les conditions d’acceptabilité de la sobriété et les moyens de sa mise en œuvre. Toujours dans une approche systémique, les participant·e·s évoquent la nécessité de transformer la politique culturelle. La réflexion doit être menée tant sur le fond (détermination du modèle de société, définition des objectifs sectoriels…) que sur la forme (feuille de route, cadre juridique, modèle de financement…). Faut-il alléger les contraintes pour réduire la pression administrative et libérer la créativité ou les renforcer pour interdire certaines pratiques et engager l’e nsemble des acteur·e·s dans une même dynamique ? Sur ces points, très logiquement, il n’y a pas consensus. Il est donc question de faire vivre des espaces démocratiques pour engager la transformation. Cette évolution de la politique culturelle est ainsi replacée, par certains participant·e·s, dans un contexte plus large de transformation du modèle socio-économique actuel, de « sortie du capitalisme », de changement de système global. Organiser l’« atterrissage du spectacle vivant » demanderait, enfin, de renouveler les représentations culturelles et les valeurs qui sont aujourd’hui à l’œ uvre dans la « surchauffe » du secteur. Relation au temps, au territoire, au(x) vivant(s), à la réussite, à la liberté… autant de notions à déconstruire. Transformer les imaginaires et proposer de nouveaux récits passent par une vigilance accrue à la diversité des propositions artistiques et à la cohérence des projets culturels avec une société plus sobre, plus juste, plus écologique.


EN CONCLUSION Les participant·e·s saluent la qualité des échanges et l’intérêt de la démarche qui leur a été proposée. Ils·elles confirment la nécessité d’adresser ces sujets de sobriété et de ralentissement, et de les traiter dans un cadre collectif. Interrogatif·ive·s sur les suites à donner, le fil à tirer suite à ces échanges, les participant·e·s ont questionné les conditions de mise en œuvre d’une plus grande sobriété du secteur et la « juste distribution des renoncements ».

Il est rappelé que l’acceptation de la sobriété est rendue possible à deux conditions : • La désirabilité : les efforts consentis devront s’articuler à un enrichissement corrélatif. Il faut rendre épanouissantes des expériences qui pouvaient jusqu’alors être minorées. C’e st ce qu’a tenté d’apporter ce forum en explicitant les avantages individuels et collectifs que nous aurions à nous engager dans cette voie. • L’é quité : les efforts consentis devront être répartis équitablement, au risque de voir apparaître des comportements de déni ou d’é vitement. Il s’agit donc de décider, collectivement, de planifier les transformations et d’impliquer l’e nsemble des acteur·rice·s du secteur. L’o rganisation de ce type de forum pourrait être répliquée pour faire vivre un espace démocratique autour de ces questions. Pour conclure, empruntons les mots d’Alexandre Monnin qui nous aiguille sur le chemin à emprunter : « c’est un infini en intensité et non en extension qu’il s’agit d’inventer »*.

* Alexandre Monnin, Nathan Ben Kemoun : La sobriété comme suffisance intensive, l’exemple de la musique - La musique en mouvements.


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